Alors que l’ampleur des disfonctionnements du régime social des indépendants (RSI) est en passe de l’ériger en problème national, il est temps d’en rechercher les causes profondes.
Le RSI est né de la fusion en 2006 d’une caisse d’assurance maladie, déjà commune aux trois catégories de travailleurs indépendants (artisans, commerçants et professions libérales) avec deux caisses d’assurance vieillesse, celle des artisans d’une part et celle des commerçants d’autre part, tandis que les professions libérales refusaient de se joindre à l’opération.
Comme dans d’autres opérations malheureuses de « guichet unique », la simplification attendue s’est heurtée à l’hétérogénéité des cultures métiers des entités fusionnées. L’assurance maladie participe d’une culture du prélèvement obligatoire analogue à celle des URSSAF, visant à inculquer des automatismes de paiement parmi les assujettis : tout retard de paiement de cotisation doit être sans délai sanctionné, toute diminution de l’assiette cotisée contrôlée etc… car le volume des prestations à servir, qui n’a pas de lien direct avec l’encaissement individuel des cotisations, lui en fixe un objectif global, non amendable et impératif.
En assurance vieillesse au contraire, les cotisations versées achètent des droits retraite si bien que la première sanction du retard de versement est pour l’intéressé lui-même. Pour l’organisme gestionnaire, la pression du recouvrement des cotisations s’estompe derrière celle de leur bonne traduction en droits afin de respecter le principe cardinal du « pas de cotisations sans droits ni de droits sans cotisations » opérant ces régimes, et aussi de pouvoir anticiper les modulations des paramètres d’acquisition, le « pilotage », qui s’avèrerait nécessaire. Bref une culture de l’adaptation au terrain et de l’accompagnement bien étrangère à celle du gendarme qui a pris l’ascendant lors de la fusion !
La mise en commun des bases de données des assujettis, source très attendue d’économies, s’est ainsi révélée contreproductive par méconnaissance des spécificités de leurs logiques d’organisation et de mise à jour. A la clef populations « perdues » et anomalies apparentes déclenchant des vagues de contrôles intempestifs.
Ces ravages ont été considérablement aggravés par une seconde illusion technocratique, plus ancienne, mais qui a trouvé matière à se déployer sans entrave : celle de l’assimilation des indépendants à des « auto-salariés ». Expliquons : le revenu professionnel des indépendants n’est repéré qu’une fois par an lors de l’établissement de leur déclaration fiscale qui donne le revenu, net des charges éligibles, de l’année précédente.
Cet indicateur comptable à vocation fiscale, justement appelé bénéfice, a été, faute d’alternative, sacralisé par les organismes de protection sociale qui y ont vu l’équivalent de l’assiette salariale indispensable à la détermination des cotisations dues dans les régimes de salariés. Préjugeant dés lors de sa relative stabilité, à l’instar de salaires, la difficulté objective de l’ignorance de son niveau pour appeler les cotisations correspondantes, a semblé pouvoir sans dommage être tournée en utilisant le dernier bénéfice connu, c’est-à-dire celui de deux ans auparavant, puis en régularisant.
Tout est dès lors en place pour une usine à gaz opaque et déstabilisante pour les intéressés, car produisant une combinaison d’appel provisoire et de régularisations afférentes à trois exercices, et ne demandant bien sûr, dans la culture « gendarme » dominante, qu’à s’emballer au moindre raté ou retard.
Alors que l’ampleur des disfonctionnements du régime social des indépendants (RSI) est en passe de l’ériger en problème national, il est temps d’en rechercher les causes profondes.
Le RSI est né de la fusion en 2006 d’une caisse d’assurance maladie, déjà commune aux trois catégories de travailleurs indépendants (artisans, commerçants et professions libérales) avec deux caisses d’assurance vieillesse, celle des artisans d’une part et celle des commerçants d’autre part, tandis que les professions libérales refusaient de se joindre à l’opération.
Comme dans d’autres opérations malheureuses de « guichet unique », la simplification attendue s’est heurtée à l’hétérogénéité des cultures métiers des entités fusionnées. L’assurance maladie participe d’une culture du prélèvement obligatoire analogue à celle des URSSAF, visant à inculquer des automatismes de paiement parmi les assujettis : tout retard de paiement de cotisation doit être sans délai sanctionné, toute diminution de l’assiette cotisée contrôlée etc… car le volume des prestations à servir, qui n’a pas de lien direct avec l’encaissement individuel des cotisations, lui en fixe un objectif global, non amendable et impératif.
En assurance vieillesse au contraire, les cotisations versées achètent des droits retraite si bien que la première sanction du retard de versement est pour l’intéressé lui-même.
Pour l’organisme gestionnaire, la pression du recouvrement des cotisations s’estompe derrière celle de leur bonne traduction en droits afin de respecter le principe cardinal du « pas de cotisations sans droits ni de droits sans cotisations » opérant ces régimes, et aussi de pouvoir anticiper les modulations des paramètres d’acquisition, le « pilotage », qui s’avèrerait nécessaire. Bref une culture de l’adaptation au terrain et de l’accompagnement bien étrangère à celle du gendarme qui a pris l’ascendant lors de la fusion !
La mise en commun des bases de données des assujettis, source très attendue d’économies, s’est ainsi révélée contreproductive par méconnaissance des spécificités de leurs logiques d’organisation et de mise à jour. A la clef populations « perdues » et anomalies apparentes déclenchant des vagues de contrôles intempestifs.
Ces ravages ont été considérablement aggravés par une seconde illusion technocratique, plus ancienne, mais qui a trouvé matière à se déployer sans entrave : celle de l’assimilation des indépendants à des « auto-salariés ». Expliquons : le revenu professionnel des indépendants n’est repéré qu’une fois par an lors de l’établissement de leur déclaration fiscale qui donne le revenu, net des charges éligibles, de l’année précédente.
Cet indicateur comptable à vocation fiscale, justement appelé bénéfice, a été, faute d’alternative, sacralisé par les organismes de protection sociale qui y ont vu l’équivalent de l’assiette salariale indispensable à la détermination des cotisations dues dans les régimes de salariés. Préjugeant dés lors de sa relative stabilité, à l’instar de salaires, la difficulté objective de l’ignorance de son niveau pour appeler les cotisations correspondantes, a semblé pouvoir sans dommage être tournée en utilisant le dernier bénéfice connu, c’est-à-dire celui de deux ans auparavant, puis en régularisant.
Tout est dès lors en place pour une usine à gaz opaque et déstabilisante pour les intéressés, car produisant une combinaison d’appel provisoire et de régularisations afférentes à trois exercices, et ne demandant bien sûr, dans la culture « gendarme » dominante, qu’à s’emballer au moindre raté ou retard.
Or le bénéfice n’a rien d’un salaire sans risque. Il est naturellement fluctuant, tant du fait de l’environnement économique externe à l’indépendant que de ses propres réponses face à ce risque, investissement matériel ou prospection commerciale non rétribuée par exemple. Un bénéfice nul, voire négatif, peut ainsi être enregistré occasionnellement par des indépendants particulièrement entreprenants ou malchanceux.
Paradoxalement, le RSI, tout à sa vision de l’auto-salarié, le rattrape alors, lui affectant d’office un bénéfice minimal, (le smic de l’entrepreneur !) pour la détermination de ses cotisations maladie ou la validation de trimestre vieillesse, piétinant au passage la logique normale de calcul que les indépendants les plus avertis auraient peut être fini par assimiler.
L’usine à gaz évoquée plus haut, qui outre le RSI concerne aussi les cotisations familiales et la CSG des URSSAF ainsi que l’assurance vieillesse de base des professions libérales, conduit en effet à des évolutions synchrones de ces prélèvements sociaux qui sont profondément contre intuitives, car à contretemps de celles du bénéfice brut, leur vécu économique. Son éventuelle amélioration sera amplifiée au niveau du bénéfice net car les prélèvements ne suivent qu’avec retard. De même sa détérioration sera accentuée par des prélèvements restant calculés sur l’année faste antérieure.
Comme l’assiette des cotisations est le bénéfice net, ces oscillations se renforcent selon un phénomène que les physiciens nomment résonnance, les marins carène liquide. Le taux effectif de prélèvements sociaux peut alors atteindre des niveaux de rupture, et ce avant même que le zèle de l’institution n’ajoute des pénalités sur le gâteau. En tout cas, la flottille des nouveaux indépendants sort largement décimée (cf. Le cap fatidique de la troisième année) du clapot économique quelle tente de traverser.
Pour en revenir au RSI, souhaitons que les disfonctionnements constatés dissipent au moins la première illusion évoquée et l’amène à réhabiliter et se réapproprier ses métiers d’origine délaissés, pour regagner, si possible, la confiance perdue
.
Au-delà, il convient de dépasser l’assimilation réductrice des indépendants à des auto-salariés y consacrant l’intégralité de leur bénéfice fiscal, car elle conduit, sous prétexte de les couvrir contre des risques sociaux, à les surexposer au risque économique qu’ils ont seul choisi d’affronter. L’enjeu est de rebâtir un système de prélèvement sur le travail indépendant qui soit neutre à cet égard, un peu à l’image de ce que la Tva a réussi à faire vis-à-vis de l’investissement.
Il y a urgence ; la CIPAV, caisse vieillesse de professions libérales obligée d’accueillir et d’assurer les autoentrepreneurs libéraux, est la prochaine victime.
Antoine Delarue