Ossature

 

         Antoine Delarue

 

Notre système actuel attribue

un mélange d’avantages contributifs (directement liés aux montants des cotisations versées) et d’avantages non contributifs (majorations liées à la situation familiale, à l’insuffisance du revenu, à une longue durée de carrière, etc.) selon une combinaison de règles multiplicatives et

d’effets de seuil basés sur des paramètres multiples que

les réformes ont de surcroît rendus évolutifs. La lisibilité du résultat s’en ressent, ce qui, ex ante, ne favorise pas l’anticipation personnelle et l’ajustement raisonné

de la date et des modalités de son départ, et ex post conduit à de nombreuses situations paradoxales qui minent la confiance dans le système.

 

Alors que les objectifs de contributivité et de solidarité

sont tous deux légitimes, ils doivent pouvoir se déployer de façon autonome et transparente, dans une

logique d’équité contributive  le premier cas et d’égalité de traitement dans le second. Tel est l’esprit de la réforme systémique proposée qui pourra conserver le paysage multi-régimes actuel mais en favorisera la convergence. Pour cela, il faut découpler, c’est-à-dire

rendre additifs, les droits contributifs, idéalement gérés

en points, des droits non—contributifs, liés aux trimestres globalement cotisés ou validés, car ces différents droits relèvent d’objectifs et de logiques de financement distincts. S’agissant des droits contributifs qui

 

seront de la responsabilité de chacun des régimes traversés, le fonctionnement en points en garantira l’équité contributive intra régime tandis que l’harmonisation inter-régime des règles de modulation autour d’un même âge pivot de départ facilitera les calculs d’anticipation ou de prorogation. S’agissant des droits non-contributifs, ils seraient gérés par un régime additionnel distinct, qui assurera l’égalité inter-régime du calcul de ces droits.

 

Du point de vue organisationnel, ce découplage nécessitera de scinder la CNAV en deux : un régime contributif pour les travailleurs salariés du privé qui fonctionnera en points d’une part, et le Régime Transversal de Solidarité (RTS) qui gérera les avantages non-contributifs liés aux durées globales cotisées ou validées d’autre part. Le RTS distribuera ainsi naturellement les abondements liés aux carrières longues ou trop courtes qu’il sera seul à suivre. Progressivement les régimes existants y basculeront aussi le service d’autres avantages non contributifs, actuellement de type multiplicatifs comme

les majorations familiales, qui seraient alors uniformisées, pour se concentrer sur le pilotage et la soutenabilité de leurs points contributifs.

 

Le basculement vers un fonctionnement par points pose le problème de l’estimation des droits déjà acquis au titre du passé par les participants. Le découplage en facilite la résolution puisqu’il permet de n’avoir à cristalliser que les droits contributifs, pour lesquels les régimes disposent a priori de l’information pertinente. A eux de définir des règles de reconstitution qu’ils jugeront équitables et soutenables. Enfin, le découplage invitera à repenser les finalités et modalités d’attribution de nombre d’avantages non-contributifs sous l’angle de leur harmonisation via le RTS.

 

 

 

Articulation Générale

 

Le régime unique en points est un serpent de mer qui revient à chaque réforme mais dont il faut d’abord mesurer l’irréalisme en l’état actuel des choses.

Le mythe du régime unique en points.
Certes, la pluralité apparente des régimes ne doit pas masquer la prépondérance de l’un d’entre eux, à savoir le régime général qui pèse près de 60% des cotisations et 53% des prestations. Selon les tenants du régime unique en points, il suffirait de faire passer le régime général en points puis de l’amener à absorber les autres régimes.
Une première étape souvent suggérée est celle de la constitution de groupes de régimes relatifs aux différents statuts : fonction publique, salariés du privé, indépendants et régimes spéciaux (...)

Quelles solidarités dans le nouveau système de retraite?

Un chapitre d'un précèdent ouvrage de la chaire TDTE1 formulait une proposition de réforme systémique des retraites, dont le principe d’organisation était de séparer les avantages contributifs et non contributifs. Les régimes existants étaient recentrés sur leur volet contributif avec une équité garantie par un fonctionnement en points, leurs volets non contributifs transférés à un « régime transversal de solidarité » (RTS), avec un financement distinct assurant l’égalité de traitement de ces avantages.

La CNAV serait ainsi scindée en deux : un régime contributif pour les travailleurs salariés du privé fonctionnant en points et le RTS suivant les évolutions globales des trimestres, cotisés dans les différents régimes ou validés pour situations particulières, et distribuant les avantages non contributifs correspondants. La retraite finale serait l’addition des retraites contributives acquises dans les différents régimes traversés et d’un complément éventuel attribué par le RTS.(...)

Le potentiel d'innovation de la technique des points

L’union européenne s’est accordée pour que les systèmes nationaux de retraite restent de la compétence des états membres, le principe de territorialité semblant suffire à la sanctuarisation économique de ces régimes en répartition. Pourtant la mise en oeuvre, a priori anodine, de la libre circulation des travailleurs s’avère potentiellement déstabilisatrice. Répondre à ce défi appelle une refonte sectorialisée des modes de prélèvement et comptabilisation des droits avec un fonctionnement par points. L’utilisation et la diffusion de cette technique ouvrira aussi la voie à une plus grande flexibilité de retraites enfin harmonisées.

D’une menace indirecte, la délocalisation des activités…

Les ressources des grands régimes de retraite, de base ou complémentaires, sont imposantes puisque l’ensemble des établissements du secteur privé implantés sur le territoire sont tenus d’y cotiser en proportion des salaires qu’ils versent.(...)