Par Antoine Delarue ; décembre 2016
La réforme des retraites s’est dès maintenant invitée dans la campagne présidentielle, une occasion de faire ressortir les qualités de la réforme systémique que nous instruisons.
L’affichage de propositions comme le relèvement immédiat de l’âge de départ à 65 ans, le passage à un régime unique ou la suppression des régimes spéciaux nous parait agiter autant de chiffons rouges inutiles, parce que propices aux exploitations faciles et à une focalisation sur de faux enjeux.
Dans la réforme retenue, l’essentiel est d’abandonner le système de calcul hybride (annuité/ trimestre/taux plein), illisible et inéquitable, pour un calcul en points dans chacun des régimes traversés. Ceux-ci seraient donc conservés, au moins dans un premier temps, mais avec une harmonisation de la présentation de leurs droits (mêmes âge pivot (65 ans ?) et coefficients de décote et surcote autour) de façon à permettre un choix de départ raisonné et actuariellement neutre.
Le fonctionnement systématique en points ouvrirait une flexibilité supplémentaire, la retraite par étape, qui est alors particulièrement simple à mettre en œuvre : Elle consiste à pouvoir liquider une moitié de ses points puis à cumuler cette retraite avec une activité éventuellement réduite, cotisée normalement mais procurant alors des droits nouveaux divisés par deux (par simple doublement de la valeur d’achat du point après la première liquidation).
Ces flexibilités conservant l’équité contributive seraient autant d’avancées qualitatives qui dédramatiseront l’éventuelle évolution de l’âge de départ (l’âge pivot ne sera aucunement normatif) et ouvriront la voie à des « secondes carrières » qui deviendront vite très populaires.
Le basculement des grands régimes existants fonctionnant en annuités (CNAV et fonctions publiques) vers un fonctionnement en points nécessitera d’arrêter dans chaque cas les règles de cristallisation en points des droits individuels acquis depuis son entrée dans le régime. Comme des reconstitutions trop généreuses plomberaient l’équilibre futur du régime, chacun d’entre eux devra trouver un arbitrage raisonnable entre les intérêts immédiats de ses retraités et ceux de ses cotisants, ce qui est le cœur du fonctionnement de la répartition.
Cette responsabilisation suppose que les règles du jeu soient clairement affichées par une loi-cadre garantissant la pleine autonomie future des régimes et qu’une période suffisante d’analyse et d’arbitrage interne soit prévue (12 à 18 mois ?) avant le basculement effectif dans le fonctionnement en points.
Le précédent réussi du basculement en points du régime de base des professions libérales (650 mille personnes) souligne la faisabilité d’un tel calendrier.
Ils posent une difficulté technique particulière que nient beaucoup de programmes de réformes, tel celui de l’Ifrap, préconisant du coup un passage en force, sous la thématique de la suppression des privilèges. Ce passage serait hasardeux car ces catégories, emblématiques de leur régime, ont un fort pouvoir d’entrainement sur les catégories « inactives » et sur l’opinion, sans parler de leur capacité de blocage économique.
Pourtant là encore, un dialogue responsable peut dégager une solution consensuelle dès lors que le régime fonctionnera en points avec une exigence interne d’équité contributive. Il convient d’un côté de reconnaitre la réalité des sujétions particulières supportées par ces personnels, de l’autre de leur permettre de surcotiser pendant cette période « active » pour acquérir un surplus de droits qui neutralisera l’abattement normal lié à un départ très anticipé.
La retraite par étape, décrite plus haut, trouvera une pertinence particulière, car elle répond à l’aspiration de ces personnels qui est moins de s’arrêter de travailler que de changer de rythme. Il n’est que d’observer que la plupart des conducteurs de TGV sont, dès le lendemain de leur retraite du régime spécial, réembauchés par la SNCF sous un contrat de droit privé leur permettant des interventions ponctuelles dans un cadre allégé et souple qui satisfait les deux parties.
Cet exemple « d’acrobaties entre amis » montre combien une réforme restaurant comme principe non négociable l’équité contributive entre catégories « actives » et « inactives », est à la fois salutaire (pour mettre fin aux hypocrisies croisées) et possible (par le dynamisme économique potentiellement induit). Du fait de l’imbrication des aspects de rémunération et de (sur) cotisation, cette refondation doit clairement s’effectuer au sein du régime spécial et sans l’interférence de principes d’alignement prématurés.
Ces pistes valent aussi pour le traitement des catégories actives présentes dans les fonctions publiques d’Etat et des collectivités locales.
Soulignons enfin combien le rétablissement grâce aux points de l’équité contributive interne aux différents régimes va fluidifier la mobilité entre les statuts publics et privés. Les points retraite y seront acquis, certes à des rythmes différents, mais de façon additive sans le frein de bonifications d’ancienneté renforçant les « silos » d’emplois et anachroniques pour les mutations attendues pour notre pays. Pour mémoire, ce type d’avantages, type carrière longue, relèvera d’un régime transversal distinct consacré au non contributif qui fonctionnera selon un principe d’égalité c'est-à-dire de droit additionnel identique à situation identique.
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